Editions Jacques Brémond

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Artiste

Sylvie Deparis

VARGAFTIG (1)    je naime que lénigme 

Encres originales dans Je n'aime que l'énigme  de Bernard Vargaftig

 

Dessiner en marchant : une pratique et des traces
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La pratique de « dessiner en marchant » s’insère dans la recherche qui fonde toute ma démarche, celle
de la perception d’une Unité, ou conscience unitaire qui anime l'univers entier, et dont chaque
conscience particularisée n'est qu'une manifestation.
Cette unité implique l’impermanence, car la conjonction des opposés n’est possible que dans l’équilibre
dynamique de forces complémentaires.
Celui-ci permet de traverser l’apparente immobilité de la matière, sa densité, pour l’appréhender
comme substance-énergie.
Dans son versant vibratoire, le réel est fluent ; il apparaît comme un réseau invisible de
correspondances, de rapports instables, en perpétuelle métamorphose. C’est une interconnexion
mouvante qui est de l’ordre non pas de l’être mais du processus.
Au coeur de cycles qui construisent et déconstruisent simultanément toutes choses, la matière, le vivant,
les éléments, témoignent par leurs formes des énergies qui ont présidé à leur formation et continuent à
les animer : eau, sève, sang ou lymphe, qi en Extrême-Orient, principe fondamental formant et irrigant
l'univers et la vie ; pneuma (« souffle ») en grec, et en latin « spiritus » dérivé de spirare, respirer,
souffle ; prāṇa dans la philosophie indienne.
L’existence est transition, enchevêtrement, entrelacs, et ne se soumet à aucun tranché dualiste ou
métaphysique.
Pour moi, seule une pratique, dans le sens de praxis, permet la mise en oeuvre intérieure de ce qui ne
peut s’appréhender par la conscience objectivante parce que toujours en mouvement : la durée, le
devenir.
Une pratique pour cultiver une attention au réel, c’est-à-dire à la mutation, pour entrer corporellement
dans la sensation de l’écoulement et appréhender dans la forme la force de structuration, son pouvoir
de formation, d’individuation. Pour ressentir cette « permanente impermanence », à l’opposé du
rapport frontal et de réification générant la crise du sensible de notre relation au monde.
Comme dans l’ensemble de mes dessins mais par une gestuelle différente, il est question de réceptivité,
de souffle, et d’une forme d’« écologie de l’attention », qui tend à abolir l’illusion de la séparation.
Le corps, la résonance
C’est par le corps qu’il est possible de se mettre ainsi en « résonance » avec un monde perçu comme
réalité vivante, polyphonique, qui entre en vibration avec soi-même.
Relation non pas entre un soi-sujet et un monde-objet constituant un vis-à-vis, mais danse de deux
polarités, et co-naissance.
Le lent déplacement de la marche, celui du regard qui suit les lignes extérieures et celui du geste qui
trace simultanément se combinent et se nourrissent mutuellement. La synergie entre ces différents
mouvements, qui se chevauchent et s’entremêlent dans un recouvrement de temporalités, fait advenir
un temps vécu, temps-devenir.
Le cheminement n’est ni établi, ni aléatoire. Comme les plantes radicantes (telles le lierre) qui
produisent leurs racines au fil de leur avancée, il s’élabore en suivant le regard.
Entre force de gravité et élévation, le mouvement des pas éprouve la souplesse des appuis, pieds,
chevilles, genoux, hanches, en lien avec la consistance du sol, son relief. La marche permet une
démultiplication du phénomène perceptif dans ses plus infimes fluctuations. Les sensations intègrent
l’espace autour du corps, son interface avec la peau, les déplacements de l’air, sa température, le milieu
olfactif et sonore.
Cet état d’accord vibratoire requiert d’en créer les conditions particulières, puis de le laisser advenir

Sylvie Deparis 2021

Associé(e) dans les ouvrages des éditions Jacques Brémond

Je n'aime que l'énigme suivi de L'inflexion - 2013

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